Une pluie du diable au Laos…

Imaginez que je vous dise qu’il existe un pays où 25% de ses villages sont aujourd’hui, au 21ème Siècle, contaminés par des munitions non explosées (UXO) ; un pays où 1 village sur 4 vit dans la peur de laisser jouer les enfants autour des maisons ; un pays où 1 village sur 4 vit dans l’angoisse de cultiver sa terre sous peine de perdre une jambe, un bras voire sa vie ; un pays où 1 village sur 4 vit dans la tristesse d’avoir perdu un enfant, un mari ou un ami…

Non, je n’invente rien, les chiffres parlent d’eux même ; plus de 270 millions de mines anti-personnels qu’on appelle ici « Bombies » ont été déversées sur le Laos. Plus de 50 000 personnes ont été tuées ou blessées à la suite d’accidents d’UXO entre 1974 et 2008. Jusqu’à 30% de ces Bombies n’ont pas encore explosé aujourd’hui. Elles attendent là patiemment, qu’un enfant joue avec, faisant office de balle, qu’un valeureux paysans bine sa terre et la percute, qu’une femme cuisine trop près et la fasse exploser…

Non, vous ne rêvez pas, je vous parle d’un pays qui a été le plus bombardé par habitant dans l’histoire, le Laos. Je vous parle des toutes ces bombes non explosées qui ont été dispersées ici durant les 580 000 missions de bombardement menées durant la Guerre du Vietnam sur le Laos. « Mais la Guerre du Vietnam… C’était au Vietnam ! Pas au Laos… » me répondrez-vous. Mais c’est sans compter la piste Ho-Chi-Minh…

 

Quand nous décidons de nous rendre au centre de la COPE sur Vientiane, nous savons que la visite risque d’être éprouvante mais ce fléau est le quotidien des laotiens et nous avons envie de comprendre.

La COPE – Cooperative Orthotic et Prosthetic Enterprise – est le principal fabricant au Laos de prothèses de membres, d’aides à la marche et de fauteuils roulants. Aménagé dans le centre national de réadaptation, ce centre d’informations très bien conçu propose une multitude de contenus multimédias sur les engins non explosés et sur les prothèses. Dès l’entrée, nous sommes mis en condition… Un banc avec deux prothèses de jambes y sont installées… Puis, nous passons le hall, le décor qui suit n’est pas plus léger… Au-dessus de nos têtes, des bombes suspendues, au sol des bombes, à droite un film projetant des bombardements pendant la guerre… L’ambiance est posée.

 

Un peu plus loin, dans une petite salle de projection, une série de documentaires très émouvants y sont projetés en permanence. Un nous suffira.

Nous entrons alors dans le vif du sujet quand nous passons dans la seconde partie de la salle. Les prothèses remplacent les bombes, au-dessus, au-dessous, des anciennes, des plus récentes ; le centre permet même de se mettre dans la peau d’un « mutilé » et d’essayer une jambe en plastique.

De partout des photos et des témoignages qui finissent une visite bien trop éprouvante. Eprouvante mais au combien importante pour comprendre.

http://copelaos.org/

 Au Laos, se rendre à la campagne, c’est le passé douloureux qui ressurgit. Entre 1964 et 1973, pendant la guerre du Vietnam, l’armée américaine a effectué plus de 500 000 missions de bombardements sur la piste Ho Chi Minh.

« Mais Ho Chi Minh, c’est au Vietnam… Quel lien avec le Laos ?! » … J’y viens.

La piste Ho Chi Minh est un ensemble de routes et de sentiers utilisés pendant la guerre d’Indochine et la guerre du Vietnam reliant la République démocratique au nord du Vietnam et la zone sud du Vietnam, en passant par le Laos et le Cambodge. Cette piste Ho Chi Minh fut utilisée par l’armée populaire vietnamienne et les combattant du Front National de libération pour ravitailler en nourriture et en matériel des miliciens du Sud. Evidemment, quand les renseignements militaires américains l’ont découvert… La suite vous l’avez comprise…

 

Toujours est-il qu’aujourd’hui au Laos, les conditions de vie dans les milieux ruraux sont difficiles, pauvreté, conditions climatiques pénibles et ces engins diaboliques qui hantent le sol des campagnes.

Un programme de développement rural pour la décontamination des zones à risque a été mis en place avec l’aide d’associations, la FSD – Fondation Suisse de Déminage – est l’une d’entre elles. La FSD œuvre d’arrache-pied à dépolluer les secteurs à risque avant de les réhabiliter. Les villages dépendent de cette aide pour accroître leurs surfaces cultivables, les villageois attendent de pouvoir cultiver du riz sur des terres saines, de pouvoir élever des poissons dans des étangs nettoyés de tout risque, ils attendent de pouvoir nourrir leurs familles sans danger !

 

C’est au centre d’information UXO à Luang Prabang que nous comprendrons la dévastation subie par le pays durant la guerre du Vietnam et comment 40 ans plus tard ces mines et ces engins explosifs non désamorcés continuent de faire des victimes chaque jour.

Dans ce centre, nous comprenons mieux le travail éprouvant de ces démineurs. Sur le terrain, armé de son principal et précieux outil, le démineur sillonne scrupuleusement chaque centimètre carré avec son détecteur de métal. Concentré, au moindre son, c’est tout un protocole qui commence. Etape 1, une fois la mine localisée, le responsable du site enregistre la position sur sa carte, puis vient l’étape 2, l’extraction. La mine est alors dégagée avec la plus grande précaution avant de déposer la charge explosive qui permettra de la détruire. Pour finir, l’étape 3, la destruction ; elle ne s’effectuera qu’en fin de chantier après la protection totale du site.

 

La vidéo qui suit présente l’action de la FSD sur le terrain, elle est très parlante !  

https://www.youtube.com/watch?v=APr_1cQvvXc&feature=youtu.be

 

Avant de finir cet article, j’aimerai vous parler d’un homme et de son histoire parce que parler avec des chiffres et des rapports d’histoire, c’est prendre de la distance. Et que l’on se rende à la COPE à Vientiane ou au centre UXO à Luang Prabang, la distance on oublie !

P1050044

Il s’appelle Ta. En 2004, Ta part pêcher autour de chez lui avec ses deux fils alors âgés de 8 et 10 ans. Là, dans l’étang, il trouve une Bombie. Il sait que c’est dangereux mais il a entendu dire que les explosifs pouvaient l’aider à avoir une meilleure pêche et Ta a une grande famille à nourrir. Il demande alors à ses deux fils de se cacher derrière un arbre et nage jusqu’à la Bombie. Aussitôt qu’il touche la mine, elle explose ! Ses deux fils terrorisés le sorte de l’eau et le ramène dans la barque jusqu’au village. 9h… Ta devra attendre 9h pour une aide médicale, oui nous sommes dans la campagne laotienne. Deux bras sectionnés, un œil de perdu et toute une famille qui travaille dure pour payer ses traitements médicaux. C’est grâce au centre de la COPE que Ta pourra à nouveau manger « comme les hommes » confiera-t-il.

L’histoire de Ta n’est pas une histoire unique ici, c’est malheureusement le quotidien de toutes ces régions les plus pauvres au Laos.

Informer, communiquer, partager, donner, aider… Nous ne pouvions quitter le Laos sans vous en parler.

 Et pour ceux qui veulent en savoir plus et qui ont un peu de temps – 1h30 environ – voici un magnifique documentaire :

Documentaire « La pluie du diable »

https://www.youtube.com/watch?v=2jKIt9txgTw

 

 

 

 

 

 

3 réflexions sur « Une pluie du diable au Laos… »

  1. nous avions aussi visité ce centre, et j’avais aussi été très impressionnée. J’avais aussi découvert que le Laos , bien qu’ayant à maintes reprises déclaré qu’il n’était pas en guerre, n’entrait pas dans ce conflit, c’est le pays qui avait reçu le plus de bombes…
    Christine

    Aimé par 1 personne

  2. Je me souviens d’avoir été aussi très touché lorsque j’avais visité le Laos, surtout qu’on en entend très peu parlé chez nous. Les bombes explosent encore 50ans après! Il me semble que Obama avait débloqué une belle somme d’argent pour tout déminé mais je ne sais pas où cela en est pour le moment..
    très bel article en tout cas, bravo!

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour ce joli message🌸 Oui effectivement Obama avait débloqué une très belle somme d’argent pour aider au déminage. Quelques associations et fondations œuvrent ici toujours, beaucoup de campagnes ne sont encore « saines » mais les blessés sont mieux pris en charge depuis. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas eu plus d’informations à ce sujet. Encore une fois, les médias ne font passer que l’information qui arrangent… j’ai l’impression 😦 Encore merci pour ce message.

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