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Belfast, Giant’s Causeway ; un passage en Irlande du Nord.

Vendredi 14 avril

« On dort où papa ce soir ?? On fait camping sauvage ou on dort dans une vraie chambre… ?! » Les jours et les kilomètres s’enchaînent depuis notre arrivée en Irlande et ces derniers jours l’ambiance est quelque peu tendue dans le van ; Lily ressent cruellement le manque de ses copines, moi le besoin de me poser, Jonas et papa, quant à eux, vivent beaucoup mieux que nous cette nouvelle aventure de « nomade ».

« On ne va pas laisser Sheeper tout seul cette nuit ! » s’était exclamé Jonas lors de notre dernière nuit en AirBnb il y a quelques jours. Et puis il y a ce manque d’échanges et de partages avec les locaux qui nous pèsent aussi, et si on ajoute la difficulté de stationner la nuit en van dans les grandes villes, alors c’est décidé… « On va dormir chez Jack les enfants ce soir !! »

« Mais qui c’est Jack ??? On le connait ? » … « Non pas encore, mais vous aurez le temps de faire sa connaissance, nous dormons 3 nuits chez lui et je crois même que vous allez adorer… Il a un chat ! »

Dernière ligne droite de notre road trip Irlandais : l’Irlande du Nord.

Au programme Belfast – Ludo est trop content 😊 – et la mythique chaussée des Géants que nous avions décidé de supprimer il y a quelques jours. « Trop de kilomètres… » avions nous pensé mais venir jusqu’en Irlande du Nord sans se rendre à cette mythique chaussée, c’est trop dommage.

« Et les enfants vous connaissez la légende des deux géants et du chemin qui reliait l’Irlande à l’Ecosse… ? » C’est sur la route qui nous conduit jusqu’à chez Jack que nous leurs contons cette fabuleuse histoire. « Mais c’est quand alors maman qu’on va voir le chemin de ces géants ? » questionne Jonas. « Patience Jonas, demain ! »

Samedi 15 avril

« On pourra avoir une maison comme elle papa ? On est bien ici, on a une chambre, une salle de bain, une cuisine et un salon où on peut s’asseoir pour jouer ! On est trop bien chez Jack, et puis il est trop gentil Jack ! Tu crois qu’on pourra avoir une maison comme lui ?! »

Nous sourions, depuis quelques jours nous sommes lancés dans une recherche « un toit pour le retour » avec l’aide de nos amis sur place en France et tout laisse à penser que Jonas fait sa recherche à sa façon 😊

Nous nous trainons un peu ce matin, profitant d’une vraie table et d’un peu d’espace pour « faire école » ; ce n’est qu’en fin de matinée que nous prenons la Causeway Coastal Road. « Comment il s’appelait ton géant d’hier maman ? Et c’est lequel qui a eu le plus peur, celui d’Irlande ou celui d’Ecosse  ?! »

Reprenons la légende…

Il était une fois la bataille de deux géants ennemis vivant de chaque côté de la mer, l’un en Ecosse appelé Benandonner, et l’autre en Irlande appelé Finn Mac Cool.

Le géant écossais parlait de son rival comme d’un froussard jusqu’au jour où ce dernier énervé et piqué au vif dit à son rival écossais de venir se battre pour lui prouver qu’il était le plus fort. Mais comment franchir la mer ? Le géant irlandais commença alors à jeter des pierres dans l’eau pour construire un chemin jusqu’en Ecosse, une « chaussée » entre l’Ecosse et l’Irlande. Il poursuivit son labeur jusqu’à ce qu’il entraperçu son adversaire qui approchait…

Quand il le vit il fut pris de panique car il était beaucoup plus petit que son adversaire ! Il courut alors demander conseil à sa femme Oonagh qui eut l’idée de déguiser son mari le géant Irlandais en bébé avant l’arrivée du géant écossais. Quand ce dernier arriva, Oonagh présenta son fils – qui n’était autre que son mari déguisé 😉 – et le géant écossais voyant la taille de ce bébé prit peur ! Affolé à l’idée de la taille du père et donc de sa puissance, le géant écossais prit ses jambes à son cou et repartit aussitôt dans ses terres d’Ecosse ; mais en chemin il prit soin de démonter la chaussée pour que le géant Irlandais ne se risque pas de rejoindre son île. Cette chaussée est restée depuis gravée dans de nombreuses légendes irlandaises.

Quand on observe ce promontoire qui s’avance sur la mer, on a aucun mal à se laisser bercer par cette légende tant le lieu semble féérique ; on l’imagine bien là ce chemin, devant nous.

Autant vous dire que l’on se sent très petit face à cette œuvre de la nature… Une gigantesque formation géologique, un amoncellement de roche basaltique résultant d’une éruption volcanique d’il y a plus de 60 millions d’années. Devant nous, c’est plus de 40 000 colonnes hexagonales atteignant parfois même jusqu’à 12 mètres de haut ! « Non mais regarde comme c’est immense papa ! Ils devaient vraiment être immenses ces géants !! » 😉

« Ça doit être une merveille du monde ça maman ! » s’exclame Jonas. Depuis que Jonas a découvert les temples d’Angkor et qu’il sait qu’un site peut être une merveille du monde, dès qu’il voit un paysage aussi merveilleux, Jonas le classe « merveille du monde », vous imaginez bien que depuis le début de notre aventure il y a 7 mois nous avons aisément dépasser les 12 merveilles nous 😊 !!

« Seulement » inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, ce site est en accès libre mais si on vient en voiture, il faut s’acquitter d’un parking qui coûte cherrrrr, c’est Jack hier soir qui nous a conseillé de nous garer juste avant l’entrée du site, « le long de la route c’est aussi bien » nous avait-il expliqué alors nous l’avons écouté ! Il avait raison 😉

Dimanche 16 avril

Nul besoin d’ouvrir un livre d’histoire pour comprendre à quel point « les Troubles » ont modelé la société nord-irlandaise ; une promenade dans les rues de Belfast, véritable musée à ciel ouvert, est bien plus efficace… Mais qu’est-ce que les « Troubles » ?? C’est l’heure de notre petite minute histoire je crois 😉

Les « Troubles » également appelés conflit nord-irlandais est une période de violence et d’agitation politique de 1960 à 1998. Le conflit commence alors par le soulèvement des minorités catholiques alors sujettes à une véritable ségrégation dans le pays. L’opposition entre les républicains (en majorité catholiques) et les loyalistes (majoritairement protestants) entraîna une montée de la violence qui dura plus de trente ans. Elle était le fait de groupes paramilitaires républicains comme l’IRA, loyalistes comme l’Ulster Volunteer Force mais aussi d’émeutes populaires et de forces de sécurité de l’Etat.

Ce conflit a affecté la vie quotidienne de la plupart des Nord-Irlandais. En 1998, la paix est proclamée avec la signature de l’accord du « vendredi saint » après trois décennies d’affrontement et plus de 3 500 morts.

Malheureusement, les clivages du passé n’ont pas totalement disparu ; des dizaines de « murs de la paix » continuent de diviser catholiques et protestants à Belfast. Entre eux, ce sont des kilomètres de béton, de grillages et de barbelés construits pendant les violences pour prévenir les affrontements entre les deux communautés.

« Non mais maman regarde ce mur ! Comment ils font pour passer de l’autre côté ceux qui habitent ici ??!! » s’étonne Jonas. « Ils ne passent pas Jonas… Où bien ils font le tour mais je ne crois pas qu’ils en aient envie… »

Je suis sans voix devant ce « mur de la paix » … « mur de la honte » oui !! Des murs pouvant atteindre jusqu’à 5 mètres de haut sur plusieurs kilomètres, des portails et des portes blindées construites pour séparer les communautés pendant ces années de violences… Vingt ans plus tard, les murs sont toujours en place et les portails sont encore fermés la nuit et les week end, « par sécurité » disent-ils… Nous sommes dimanche aujourd’hui, nous ne passerons pas du quartier catholique à celui protestant…

Comment imaginer qu’aujourd’hui certains de ces murs sont encore le théâtre de tensions ?! Et pourtant… Je lisais sur internet que cette ségrégation s’étendait parfois même jusqu’aux bancs de l’école, une grande majorité des enfants auraient des camarades de classe de la même religion qu’eux… Nous sommes loin de nos cours sur la laïcité en école primaire !

Le gouvernement nord-irlandais s’est pourtant engagé en 2013 à détruire d’ici dix ans les murs divisant toujours à Belfast les quartiers protestants et catholiques. « Les habitants des deux quartiers continuent à se méfier les uns des autres » avait témoigné une habitante alors interrogée par un journaliste. Même si la grande majorité des Irlandais a fait ce chemin vers la paix, il reste des gens pour qui c’est difficile voire impossible et la moindre étincelle peut faire repartir l’incendie…

Pour les plus curieux, voici une vidéo de 2013 sur ces « murs de paix » :

http://dai.ly/xyvpkj

Nous déambulons cette après-midi dans ce vaste quartier urbain qui constituait à l’époque la zone de feu au cœur même de Belfast. D’un côté Falls Road, quartier catholique et indépendantiste, de l’autre Shankill Road, bastion protestant et loyaliste vis-à-vis de la couronne d’Angleterre ; d’immenses fresques murales célèbrent les acteurs de ces conflits. On dit que c’est un moyen efficace de savoir si on visite un quartier à majorité catholique ou protestante ; moi je n’en reste pas moins triste et inquiète de sentir cette tension communautaire à travers ces dessins.

Ce phénomène artistique et politique des « murals » éclata vraiment du côté républicain au moment des grèves de la faim de 1981. Ils exprimaient alors la solidarité d’une rue ou d’un quartier avec les grévistes luttant pour une reconnaissance politique. Avec les années, les thèmes se sont diversifiés et se sont attachés ensuite à défendre la cause d’autres peuples opprimés comme la Palestine, l’Afrique du Sud, Cuba, la Birmanie… Mais ces « murals » restent d’abord le témoignage d’un puissant sentiment identitaire.

Pour les plus intéressés, voici un blog à consulter sur l’histoire de l’Irlande à travers ses peintures murales (pensez bien à commencer à partir de 2006 dans les archives du blog).

http://muralsirlandedunord.over-blog.com/

Les touristes choisissent souvent d’embarquer à bord des célèbres « Black Taxis » pour faire le tour des fresques avec à la clé un décryptage par des guides qui ont eux-mêmes connu les « Troubles ». Quand nous en avons parlé avec Jack hier soir, il nous a déconseillé ce type de tour, « so more expansive !! » s’était-il empressé de nous répondre. Nous nous sommes alors rabattus sur le bus City SightSeeing aussi appelé bus Hop On Hop Off, vous savez ces bus rouges qui permettent de parcourir une ville à travers un itinéraire s’arrêtant aux sites  les plus importants ; nous avions fait ce choix là aussi sur Dublin qui nous avait permis d’avoir une vue d’ensemble sur la ville.

Belfast, capitale d’Irlande du Nord est une capitale qui affiche un caractère bien trempé, une capitale qui semble vouloir rattraper ses années assombries par les « Troubles ». Des attractions intéressantes, une très belle scène culturelle, un centre animé, des pubs et… le célèbre chantier naval Harland and Wolff d’où sortit le Titanic !

En 2012, Belfast a profité du 100e anniversaire de son lancement pour inaugurer le « Titanic Belfast museum », c’est ici que nous nous rendons cette après-midi, un immense espace dédié au paquebot mythique. Nous avions commencé à raconter à Lily et Jonas l’histoire du Titanic lors de notre passage à Cobh dans le sud de l’Irlande, Cobh appelé autrefois Queenstown fut le dernier port d’embarquement avant le naufrage du Titanic au large de Terre-Neuve.

« Tu crois qu’on peut le voir comme avant le bateau ? Et ils ont filmé quand le Titanic a touché l’iceberg ? Et ils sont tous morts ? Et les canoës pourquoi ils n’ont pas tous pris les canoës ?!! » … Patience… Attendez de découvrir…

Au loin, l’architecture rappelant l’avant du paquebot nous met déjà dans l’ambiance.

A l’intérieur, ce n’est pas moins de 24 salles qui retracent de la construction au lancement puis au voyage du Titanic jusqu’aux recherches menées en Atlantique après le naufrage. Certes le prix du billet famille n’est pas donné – environ 60€ – mais entre les images d’archives, les écrans interactifs et les films, ce musée permet de découvrir cette mythique histoire de façon complète.

« Non mais regarde comme il était immense ce bateau ! Regarde tout ces gens qui ont travaillé pour le construire !! » Une nacelle nous transporte dans une reconstitution du chantier naval avec un fonds sonores et quelques témoignages « c’était comme si on était avec eux maman ! En train de travailler là-bas ! »

Juste après, ce sont les différentes classes de cabines que nous découvrons occupées par des passagers en hologrammes, un peu plus loin des photos et des témoignages expliquant la forte vague d’émigration vers le Nouveau Monde à l’époque. Puis la pénombre dans la galerie suivante annonce l’instant funeste, les derniers messages en morse envoyés par le capitaine et … nous entrons dans la salle dédiée à l’épave, « c’était comme si on était dans le sous-marin d’exploration » me raconte Lily en sortant du musée.

« Titanic Experience » est une expérience ludique et sensorielle, un vrai voyage qui a son prix mais certainement moins que celui que la classe populaire de l’époque devait payer pour monter à bord, pour information une personne de 3ème classe devait s’acquitter à l’époque de 1500€ pour un billet  aller simple jusqu’à New York !

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Il faut savoir que les Belfastois ont pendant longtemps gardé une relation douloureuse avec ce passé l’unissant au Titanic ; aujourd’hui en lui rendant hommage, c’est comme si la ville tirait définitivement un trait. Certains Belfastois ont même donné un surnom au musée… l’Iceberg !

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Ce soir avant de rentrer, nous allons faire confiance à Jack une dernière fois avant de le quitter demain pour rejoindre l’Ecosse ; nous prenons donc la direction du WetherSpoon, un pub traditionnel irlandais qui d’après lui nous offrira un bon aperçu des pubs de Belfast, un endroit pour manger avec des Belfastois comme il dit. Encore une fois, Jack avait raison 😉 Nous avons passé un très bon moment alors si vous êtes comme nous de passage à Belfast, poussez les portes du WetherSpoon, vous ne serez pas déçus !

Lundi 17 avril

« On est vraiment obligé de partir maman… ?! » … « Oui Jonas. » … « On était bien ici dans la maison de Jack, et puis il y a Charlie… On l’aime beaucoup Charlie !! » Nouveau départ, se poser fait du bien à tout le monde mais c’est tout aussi délicat quand il faut replier les bagages.

Jusqu’à samedi, jours de départ pour le « Grand Nord », nous serons sur la route pour rejoindre Hirtshall au Danemark, notre port d’embarquement pour l’Islande. D’ici là, au programme des ferry, des kilomètres, de nouvelles découvertes mais surtout de très belles retrouvailles à Bruxelles 😊

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Où dormir à Belfast ?

Sans aucun doute, chez Jack !!

Nous avons été merveilleusement bien accueillis dans cette maison à Larne, une ville à environ 30 minutes de Belfast. L’avantage premier de Larne c’est le principal port d’embarquement pour l’Ecosse donc on est sur place, en seulement 15 minutes, sur le port pour embarquer avec Direct Ferry. L’autre avantage c’est le tarif, pour 46€ la nuit nous avons dormi dans deux chambres et avons pu profiter de l’ensemble de la maison avec la cuisine. Le dernier point positif, c’est Jack, un irlandais qui aime partager – il a même emmené Ludo avec lui dans un pub un soir, joué du tambour et de la flûte avec les enfants –  Jack aime échanger et il nous a donné de très bons conseils sur notre séjour. Alors sans hésitation, on dort chez Jack 😊

https://www.airbnb.fr/rooms/22915642