« En Belgique, quand le ciel est bas, on se met une pomme sur la tête pour voir les choses autrement » Stephane de Groodt.
Comment faire autrement que de commencer cet article avec cette citation de Stéphane, cet humour « à la belge » avec lequel il sait si bien jouer ; comme dans cette chronique. Il est génial. On a bien ri.
Dimanche 13 août, nous quittons la région Bruxelloise pour faire une boucle de quelques jours en Wallonie.
Pour comprendre ce qu’est la Wallonie, imaginez la Belgique comme un gros gâteau, vous la coupez en deux d’Est en Ouest, au nord c’est la région flamande, au sud vous êtes en Wallonie.
« Longez la Semois ! » nous avez conseillé Polo quand nous l’avons interrogé. La Semois, la plus femme de nos rivières avait écrit Alphonse de Prémorel, un enfant du pays. « Autant elle est sage et douce tant qu’elle est en terre Lorraine, autant elle se révèle sauvage et rebelle quand elle caresse l’Ardenne ». Alphonse l’avait si bien dépeinte.
Vresse-sur-Semois, Laforet, Bouillon, Poupehan, Herbeumont, autant de villages nous offrant au grès de notre route des pauses rafraichissantes et sereines.
Dinant ; le routard nous invitait à une pause visite dans cette « ville de carte postale » disait il, pourquoi pas ; nous décidons de nous y arrêter. Beaucoup de touristes, de motards, de cafés, de restaurants et une file interminable pour atteindre la citadelle militaire.
Nous ne sommes pas inspirés, nous préférons ne pas nous attarder ici et rejoindre un spot sauvage (comme on aime les appeler) pour la nuit.
Spot sauvage : (d’après notre dictionnaire familial) un endroit en pleine nature sans toilette, ni eau, ni électricité mais qui déchire (ou pas…. C’est la surprise !)
Celui-ci, ce soir, il « déchire grave » d’après les enfants 😊
En contrebas du château de Walzin, coule la Lesse (pas la rivière de Polo mais une autre tout aussi jolie). Avant même de savoir si nous pourrons rester (ou pas) ici ce soir (et oui parce que, qui dit « spot sauvage », dit aussi « ce n’est pas forcément autorisé… ») Jonas est déjà dans l’eau, Saiyan jappe au bord, Lily court au camping-car se changer et maman… et bien elle regarde papa qui sourit sereinement. Tout va bien. Nous dormirons ici ce soir.
Je passe sous silence un vol drone infructueux, les plus intimes auront la primeur de cette anecdote 😉
« Maman tu es sûre qu’on ne peut pas rester ici ? » me questionne Jonas au réveil le lendemain, « on est quand même trop bien ! » C’est aussi ça la contrepartie des « spots sauvages qui déchirent grave » ; on a envie de faire durer le plaisir. Et puis, « la Semois de Polo » nous attend !
« Bon, ok maman, mais viens te baigner avec moi avant de partir ce matin ! » … Silence. Long silence de maman. Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis frileuse, même plutôt très frileuse ; alors quand Jonas me propose de m’allonger dans cette rivière ce matin, j’ai besoin : soit de trouver un bon argument pour me défiler, soit de beaucoup de courage !
« Maman, ce n’est que du mental, écoute moi. » Je n’ai pas trouvé de bon argument…
Me voilà les fesses dans une eau gelée et je ne sais pas comment je vais pouvoir m’allonger comme lui !! « Maman, ce n’est que dans ta tête le froid ! » me répète Jonas.
Je souris, c’est génial comme ces enfants arrivent à intégrer certaines de mes paroles et me les retourner au bon moment. J’adore ! Ce matin, il marque un point. « Oui voilà maman c’est ça ! » Je n’y crois pas, je suis entièrement allongée dans cette eau gelée et je suis contente 😊 Merci Jonas, merci de vibrer avec la vie.
« Regarde comme on est bien ici maman, même toi tu te baignes, on peut rester ! » Jonas, c’est aussi cela, il n’abandonne jamais une idée, on ne sait jamais si ça marche !
« En même temps, avec toi ça marche souvent ! » répliquerait Lily avec son sourire coquin.
Polo avait dit « Longez la Semois ! » Il serait temps maintenant.
Quand nous arrivons au village de Vresse à midi, nous sommes déjà sous le charme et ce n’est que le début. « Il y a un géocatch ici ? »
Ah ! C’est vrai ! Je ne vous ai pas encore parlé de notre nouvelle trouvaille pour rendre ludique les visites en ville ou les randonnées en nature, une invention géniale pour motiver les enfants ! Certains doivent déjà connaître, pour ma part ce n’était pas le cas avant qu’une des schtroumpfettes de la république démocratique du Vernay m’en parle (cf article « un petit tour et puis s’en revont » pour comprendre la schtroumpfette). Douce pensée pour elle aujourd’hui 😊
Le géocaching, c’est comme une chasse au trésor en version 2.0 grâce à la technique du géo positionnement par satellite. Soit on cherche une « géocache », soit on en dissimule dans divers endroits à travers le monde. A quoi ça ressemble ? Généralement c’est un petit contenant étanche et résistant (comme un étui de pellicule photo), à l’intérieur on peut y trouver un registre de visites et parfois un petit trésor, généralement des bibelots sans valeur.
P’tit astuce parents pour motiver vos enfants en balade citadine ou nature :
1- télécharger l’application Geocaching sur mobile (gratuit), 2- Créer son compte (rapide), 3- Chercher sur votre zone les Géocaches à trouver (simple), 4- Suivre sur la carte (encore plus simple), 5- Soyez attentif et observateur quand vous arrivez sur le lieu (pas si évident parfois).
https://www.geocaching.com/play
Nous avons de la chance, il y a bien une « cachette » sur notre parcours aujourd’hui !
« Combien de kilomètres maman… ?! » Oups, ça c’est Lily, pas aussi facile à amadouer 😉
« 3 pour aller jusqu’au pont de Claie, 2 pour la balade de Laforet, et 1 petit dernier pour le retour… » Je scrute la réaction de Lily. « Comment ça la balade de Laforet ? Tu as prévu une balade dans une autre balade ! » Aïe… « Oui c’est vrai mais elle semble trop bien et puis son nom va te plaire ! La promenade des Légendes. » Je scrute encore. Un coin de sourire. C’est gagné ! Nous partons.
En contrebas du village, il y a une petite passerelle tressée de bois, un pont de claie. Chaque été, ces structures légères sont construites et permettent de franchir le cours d’eau lorsqu’un gué n’est pas présent. Ces passerelles sont l’héritage des planteurs de tabac qui rejoignaient ainsi les terres cultivables le long de la rivière sans faire de détour.
C’est en arrivant sur le village de Laforet que nous apprenons un peu plus l’histoire des lieux. La Semois, cette rivière frontière était autrefois un lieu de contrebandes et de culture du tabac. A présent, ce village reflète la joie de vivre à la belge. Petites maisons typiques, jardinets tout coquets, quelques personnes installées ici et là, sirotant, bavardant. On se sent bien.
« Là, elle est là la fontaine ! » J’allais oublier notre Géocache… « Magnétique c’est ça l’indice ? » Rappelez vous du point 5, « attentif et observateur » ! …
On cherche un moment. Je terrais ici une partie de l’aventure de la fontaine pour ne pas choquer les âmes sensibles 😉 (comme celle du drone précédemment). Toujours étant que nous venons à bout de cette cachette métallique ! « Notre 2ème maman ! On a réussi notre 2ème ! »
Direction la promenade des Légendes.
Depuis la fontaine du village, au fil de nos pas, entre chemin caillouteux, petite clairière et forêt, nous découvrons les personnages légendaires de cette région de l’Ardenne. Jonas court devant à la recherche de la Dame Blanche, cet être fantastique que l’on rencontre dans les chemins obscurs et à l’écart des villages. On dit qu’on les trouve partout ici en Wallonie 😉
« Le quoi ?!!… Ver quoi ? » … Il s’appelle le verbouc ! C’est le croisement d’un homme et d’un bouc. Il est de nature démoniaque, il incarne le diable. Parfois il le sert et il lui arrive de se faire avoir par ce dernier.
« Et lui aussi c’est le diable ! » Un peu plus loin on se retrouve devant une grande fresque du diable. Puis ces mots qui l’accompagnent :
Le diable naquit le jour où naquit l’homme. Comme lui, manipulé, manipulant, il se multiplia. Par le fil des idées et à sa ressemblance, il se mit à grandir. Ce fut comme un virus, virulent et muet qui nous parasita. Souvent indétectable, il fait mourir en l’homme l’aptitude d’aimer. Il s’attaque aux ailes des poètes et minent le cœurs des amis. Il est là. Il observe, flatte, louvoie, compose. Miroir aux alouettes appliqué à polir chacune de ses facettes. Fait de chair et d’esprit, il est entier dans l’homme. L’homme est entier en lui.
Je suis touchée par ces mots. Je ne peux m’empêcher de les lire une nouvelle fois, de les photographier, de vous les réécrire ici, de vous les partager. Ces mots raisonnent. Ils vibrent.
Nous continuons notre chemin. « Ils sont bizarres eux ! » me crient Jonas. Ceux sont des nutons, ils ressemblent à des vieillards, ce sont des génies d’un petit mètre souvent bienfaisants mais qu’il faut éviter de blesser ou de provoquer. Ils sortent uniquement de nuit et rendent volontiers service contre quelques piécettes.
Plus loin, on croise la Toursiveuse, cette sorcière aux doigts en forme de branches, elle symbolise la face cachée des gens.
« Il ne manque plus que le loup-garou et on est bon ! » Pas de loup-garou ici mais un homme loup en remontant dans la forêt. On dit qu’il a traité avec le diable et il se change en loup les soirs de pleine lune bien sûr. Il peut faire le bien comme aider quand on est perdu en forêt ou le mal quand il décide d’attaquer les paysans.
S’en suivent les sorcières évidemment. Et ce gros lézard « Il est énorme ! » On le décrit gros comme un veau. Il vit dans l’eau et lorsqu’on l’aperçoit, c’est paraît il un signe de mauvais augure. « Oui mais là ça ne compte pas maman ! » me chuchote Jonas. « C’est qu’avec le vrai que ça craint ! » On sourit.
Entre légendes, forêt et jolies pensées, nous marchons sur le chemin du retour au village. Juzcar (notre camping-car) nous attend sagement sur le parking.
« On dort où ce soir ? » Cette question en itinérance c’est un peu la même que « on mange quoi ce soir ? » à la maison… « En vrai là on a les deux maintenant ! » dit Lily. Ici, en voyage nomade, c’est la première chose au quelle nous réfléchissons en journée avant de savoir ce que nous mettrons dans nos assiettes. Les priorités changent.
« Et en canoë, ça doit être sympa de la découvrir la Semois en canoë non ? » Quand on parle de rivière et de canoë, un souvenir commun nous ramène immédiatement au Laos : « ramer jusqu’au pont ! ». C’était il y a 6 ans, nous étions au-dessus de Luang Prabang au nord du Laos et nous avions décidé de rejoindre un petit village, coupé du monde, inaccessible en voiture. Quelle aventure 😊
« En canoë vous êtes certains ?! » nous demande Lily, « et bien on va rire ! »
A présent quand on pensera « rivière et canoë », nous pourrons ajouter le souvenir « on avance à l’envers ! » de la Semois Belge 😊
Polo avait raison « longer la Semois » est un incontournable ici en Wallonie. Nos prochains jours dans le coin lui rendront d’autant plus raison.
J’ai commencé cet article avec une citation rigolote de Stéphane, je le termine avec une autre, différente mais tout aussi touchante rencontrée sur notre chemin de la promenade des légendes.
« L’imaginaire est plus important que le savoir » Einstein.
Betche à tous (bisous en Wallon 😉 )